C'était une nuit de grand froid, une onde glaciale s'étendait sur la plaine vénéneuse, comme tous les soirs d'hiver, recouvrant les fleurs toxiques d'une fine couche de givre. Jézabel faisait son habituelle tour du territoire pour éviter toute intrusion dans camp Nightmares, tour qu'elle prenait à cœur car il lui permettait de se réchauffer et de courir en paix.
Au bout de quelques heures, elle eût faim. Elle se décida à chasser pour remplir son estomac. Les odeurs qu'elle suivait lui firent jeté son dévolu sur un lapin qui zigzaguait un peu plus loin entre les arbres. Doucement, elle s'approcha à pas de loup et se prépara à sauter pour achever sa proie.
Tout d'un coup, tout se troubla autour d'elle et un voile floue s’installa devant son regard, elle se sentit partir loin et s'écroula d'un sommeil étrange.
Elle émergea, quelques temps plus tard de son étrange sommeil. Une ombre lui cachait la lumière et au fur et mesure que sa vision redevint nette, elle distingua un fin loup noir assis qui la regardait paisiblement. Elle se redressa rapidement et laissa monter du fond de sa gorge un grognement menaçant tout dévoilant ses crocs acérés dont elle était si fière.

-Ah non ! Pas de ça avec moi ma chère.

Un battement de queue accompagna ses dires.

-De toute façon je pourrai très facilement répliquer, regarde tu tiens à peine sur tes pattes …

Jézabel huma l'odeur de l'inconnu qui se tenait face à elle. C'était un fumet qui mêlait mille senteurs de forêt différentes mais aucune caractéristique particulière d'un clan ne se dégageait du méli-mélo olfactif. C'était sans aucun doute un solitaire qui la prenait de haut, elle la louve du clan qui faisait verser le sang dans les environs.
Sans hésiter elle plongea sur lui.

-Non arrête tu vas le regretter !

Jézabel pattes en avant se prépara à frapper en plein poitrail son ennemi quand elle vit ses pattes disparaître à l'intérieur du corps du loup noir.

-On peut pas dire que je ne t'avais pas prévenu.

Jézabel qui s'était écroulée à terre surprise par le vide de l'animal en face d'elle. Elle s'éloigna prestement de lui.

-Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu es ? Que me veux-tu ?

-Tu vois maintenant tu es morte de peur.

Le solitaire laissa s'échapper un gros soupir exaspéré.

-Je suis un être immatériel qui est là pour que tu assistes au rituel de la nuit de Givre. On m'a toujours appelé Soublo. Et je suis ton guide pour toute cette soirée.

-Pourquoi mon guide ? Pourquoi aurai-je besoin d'un guide ?

-Tais toi et suis moi ! Tu es ici là où tu ne devrais pas être alors arrête de pinailler et mettons nous en route tu comprendras en chemin.

Soublo s'élança à vive allure sur un sentier invisible et Jézabel resta figer. Elle devait choisir vite, soit abandonner l'idée de comprendre quel était cet être extraordinaire, soit répondre à sa curiosité et se lancer sur les talons de la bête noire. La réflexion fût courte, elle courut jusqu'entre les arbres où avait disparu Soublo.
Tous deux arrivèrent bientôt sur la corniche du territoire neutre, endroit que Jézabel connaissait peu mais savait utile pour son large point de vue sur la vallée en contre-bas.
Soublo était penché tout au bord et semblait observer un spectacle captivant. Jézabel s'avança doucement et tout en se maintenant à une distance respectable du loup noir, elle jeta un coup d’œil au vide qu'elle surplombait. Des formes légères flottaient dans les airs, c'était les aigles de la falaise. La louve en avait vaguement entendu parler un jour.

-Observe les, regarde les choisir leur chemin dans les airs. Ce qui les faits voler ce n'est pas le battement de leurs ailes mais les courants d'air chaud. Et toi réfléchis, qu'est ce qui te portes en ce monde Jézabel … ?

Jézabel s'apprêtait à répondre à la questions sérieusement quand un violant vent se mit à souffler et la déséquilibra et la fit chuter dans le vide. A sa grande horreur, elle regarda impuissante le sol se rapprocher fatalement de son corps faible face à la loi de la gravité.

La jeune louve se réveilla en sursaut, allongé sur le tapis de feuilles mortes qui jonchaient le sol de la forêt en bordure de la plaine vénéneuse. Elle se retrouvait à son point de départ. Elle soupira de soulagement cela voulait dire que tout n'avait était qu'un rêve. Elle se releva en chancelant un peu et recommença à s'enfoncer dans la forêt pour trouver une jolie proie à se mettre sous la dent.
Quelques mètres plus loin, Jézabel perçut un frémissement venant de tout droit devant elle. Son regard se fixa dans la direction en attendant la probable proie qui allait sortir des buissons. Mais ce qu'elle huma ensuite ne la rassura pas du tout. C'était l'odeur sombre de la mort. Soudain, les buissons en face d'elle jaunir puis brunir et enfin les feuilles tomber dans un bruit frétillant laissant nu des branches rachitiques et ternes et laissant également voir un loup massif se déplaçant d'un pas pesant vers la louve. Le regard du grand mâle la figea sur place. Au fur et à mesure que le loup progressait dans le direction de la femelle l'herbe autour de lui se courbait et prenait une couleur jaunâtre comme si elle avait brûlée au soleil tandis que les fleurs, elles, fanées instantanément au passage du prédateur. Jézabel fut transpercée par le regard de glace de celui qui s'avançait vers elle. Ne bougeant plus, le grand loup la traversa de part et d'autre comme elle en avait fait l'expérience avec Soublo quelques heures avant. Elle déglutit amèrement comprenant que hélas toutes les expériences jusqu'à maintenant n'étaient pas des cauchemars.

-Viens !

Le grand loup avait prononcé ces mots d'une voix grave et rocailleuse. Jézabel rien que par la perception de cette voix ne put désobéir à l'ordre lancé. Elle suivit docilement l'être mythique qui semait la mort à chacun de ses pas.
Ils arrivèrent au bord d'un torrent et l'être immatériel se retourna face à elle.

-Aujourd'hui nous sommes la nuit de Givre et tu es l'élue cette année. Tu as dû recevoir la visite du rêveur, c'est maintenant mon tour de te donner un enseignement …

-Mais un enseignement pour quoi ?

-SILENCE, ne me coupe pas lorsque j'explique. Je vais t'apprendre à bien servir ta meute. L’éberlué t'a enseigné à raisonner seule sans un attachement aveugle à ta meute car c'est cela qui fait d'un loup un bon loup, il t'a montré que tu ne portais pas uniquement mais que tu étais aussi porté. Il n'y vraiment que lui qui pouvait apprendre ce genre de chose aux élus …

Il déclare tout cela solennellement en marmonnant la dernière phrase dans sa barbe comme une réflexion à lui-même.
-Moi je vais tous simplement t'apprendre à aider ta meute par la force. Tu fais partie des Nightmares, ta force et ton intelligence ne doivent pas être uniquement légendaire, elles doivent aussi réellement exister.

Jézabel sentit ses poils se hérissaient sur son échine, apprendre le combat signifier qu'elle allait affronter le mastodonte qui se tenait en face d'elle.

-Il n'y a que moi qui peut te faire comprendre ça car je suis le seul qui peut toujours me matérialiser, tu pourras donc me heurter et non me traverser.

Il faisait jour quand il commencèrent et à la nuit tombée il continuait de se tourner autour de se mordre et de mettre à terre sans abandonner ni l'un, ni l'autre. On entendait les souffles de l'effort jusqu'au cœur de la forêt. C'est environ au milieu de la nuit que soudain Jézabel saisit ce que le loup en face d'elle voulait lui transmettre, elle enchaîna avec ses dernières forces ses mouvements de maître et se prépara à asséner un coup fatidique au grand loup. Mais ses mâchoires claquèrent dans le vide, la nuque de son adversaire étant redevenu immatérielle.

-Bien tu as compris …

Le grand loup la regardait d'un regard serein et approbateur.

-Il est temps pour toi.

Et sans prévenir le mastodonte se jeta sur elle et la poussa dans les eaux tumultueuses du torrent. L'eau gelée empoigna son poitrail, lui coupant la respiration, perdant peu à peu son souffle, elle ferma les yeux et se laissa aller dans les violents courants, heurtant les rochers qui couvrait le lit du cours d'eau.
Soudain, des crocs la saisir par la peau du cou et la projetèrent hors de l'eau glaciale. Jézabel se redressa brièvement, toussa puis cracha de l'eau. Tout en reprenant sa respiration, elle releva la tête et observa le loup qui venait de la sauver d'une mort certaine. C'était un petit mâle fin et élancé qui possédait une certaine sagesse dans le regard et quelque chose d'autre indéterminé. Jézabel articula avec peine .

-M..merci …

Le loup gris lui sourit amicalement.

-Tiens, c'est la nouvelle folie de Counterscamp de balancer les élus de la nuit de Givre dans le torrent.

Puis il changea d’attitude comme si il devenait quelqu’un d'autre.

-Entre nous on sait tous qu'il est d'une violence insensée.

-Counterquoi ?? Est-ce le grand loup de tout à l'heure ?

-Scamp … Counterscamp !

Il lâche un long soupir. Avant de reprendre avec une voix guillerette complètement différente du ton qu'il avait adopté avant, un sourire léger se dessinant sur ses traits.

-C'est ancien alpha Nightmare … Mais passons, je suis Wakiza et je vais t'apprendre à discerner le bien du mal...

Jézabel rigole doucement.

-J'espère que c'est une blague ma meute est née pour semer la mal je ne vais pas apprendre à faire le bien.

Wakiza prend une voix grave qui résonne sur la berge tout autour de nous.

-Tu sèmes peut être le mal, jeune louve mais tu peux faire le bien au sein des tiens, oublie ton ego Nightmare quelques secondes …
Il lâche un soupir mécontent comme si je l'avais déçu.

-Tu vois je t'ai dis qu'on devrait changé l'ordre des interventions avec Counterscamp, il leur met des idées néfastes dans la tête impossible à leur retirer.

-Oui,oui peut être mais en attendant c'est à nous de donner la leçon. Que penses-tu de l'assassinat sans raison valable ?

Jézabel sourit et d'une voix glaciale déclare.

-C'est une pure délectation.

-Non c'est le mal ! Imagine que ce soit l'un des tes camardes qui se retrouve tuer sauvagement sans raison …

-Il l'aura mérité, cela montre qu'il n'était pas à la hauteur de notre clan de combattants.

-Cette doctrine du sang est vraiment nocive à la santé mentale … On a déjà croisé bien plus compréhensif …

-On ? Mais ma parole vous êtes combien dans cette tête ?!

-Une infinité ma petite … Une infinité.

Wakiza continua à exposer son point de vue sur plusieurs exemples que Jézabel s'inciter à contre-dire pour défendre son honneur et celui de sa meute.
Quand le vieux loup gris n'eut plus d'argument à exposer, il se leva et se dirigea vers la lisière du bois, il s'arrêta à celle-ci.

-Prend soin des tiens .. Ils te le rendront bien. Maintenant endors-toi et quand tu te réveilleras tu pourras choisir de tout oublier de cette nuit comme de conserver au plus profond de ton crâne tous les enseignements que nous t’avons transmis.

Elle regarda le loup s'enfoncer dans les bois et alla se rouler en boule contre un arbre. Elle priait pour que cet étrange rêve s'arrêta.
Fermant petit à petit les yeux, elle s'endormit rapidement.

Ses yeux retrouvèrent les repaires de sa tanière. La lumière du petit matin baigné les parois de son abris d'une aura protectrice.
Alors, Jézabel n'avait pas quitter sa tanière de la nuit ? Même pour partir en patrouille ? Tout ça n'avait donc était qu'un rêve ! Pas d'errance avec un solitaire ? Pas de débat avec un pacifiste Heaven . Pas de combat avec un ancien alpha grincheux ? Pas de réelle leçon ? Pas d'élu de la nuit de givre !

Le soupir de soulagement qu'elle lâcha fut long et libérateur.
Néanmoins ce jour là elle fut heureuse que ses congénères viennent la câliner et la saluer en lui montrant qu'il lui rendent ses services, elle exécuta avec plaisir les ordres de son dominant et campa ferme devant des solitaires qui s'étaient aventurés imprudemment sur le territoire Nightmare, son territoire.


Trois silhouettes assisent dans la forêt suivent la louve de leur regard.Une des silhouettes lance d'une voix guillerette :
-Quel comparaison as-tu utilisé cette fois Soublo ?
-Bah celle des aigles !
Sur un ton ironique une voix rocailleuse ajoute :
-C'est sur qu'à chaque fois qu'il l'utilise celle-là, ils comprennent bien vite !
Les trois silhouettes tressautent et des éclats de rire fusent autour d'elle !
-Dites les gars on a encore fait du bon travail cette année !
Et les formes sombres s'évaporent sans que personne ne les ait remarqué.

The End !